Fan-Club

Il y a pas mal de temps j’avais lu un article de Boulet: http://www.bouletcorp.com/blog/2012/05/29/ma-pizza-metal/.
Léo Tamaki en avait parlé sur son blog, ce qui m’a permis de relire l’histoire, et de me retrouver quelque part dans cette réaction d’intolérance. Par exemple comment peut-on aimer la techno? Ce n’est pas de la musique… Et le metal c’est tellement mieux. Tous ceux qui écoutent de la techno devraient arrêter et écouter du métal, c’est pour leur bien.

Qui n’a jamais pensé une chose pareil dans un autre registre? Comme l’explique quelque part l’article imagé de Boulet? J’ai été dans ce cas là aussi, donc je peux me permettre de critiquer, car à travers cette chronique c’est aussi moi que je critique. L’intolérance à accepter que d’autres personnes aient des goûts différents, des choix différents et que l’on ne peut accepter d’autres choix.

Dans le milieu des arts martiaux, la chose est identique mais parfois en pire. Car le professeur, n’est pas un enseignant, ni un pédagogue, ni un instructeur… c’est un maître (appelé parfois « maîîîîîîîîîîître »). Et encore pire, parfois il n’est pas juste un maître, c’est un « Grand Maître ». Et parfois pour souligner l’authenticité de l’appellation, on utilise en plus des terminologies japonaises ou chinoises alliées à de l’anglais ce qui donne des « Great GrandMaster Hanshi Shihan ». Dans la situation décrite ci-dessus, ce n’est pas le cas, mais il y a des fois, où on tombe dans ces travers. Et les aficionados ce ce « Great GrandMaster », sont tellement aveuglé par l’adulation, la vénération de leur idole, que ne serait-ce que penser que « je m’en fous », est synonyme de peine capitale exécutée immédiatement. « Mais comment peut-on avoir quelque chose d’autre de plus important qu’assister à un cours de Great GrandMaster Hanshi Shihan… même une admission aux urgences suite à divers hémorragie ne doit pas empêcher d’y assister »?. C’est ce que je nommerais le fan-clubisme.

C’est assez drôle en fait, car au final, on projette souvent sur les autres nos propres désirs en imaginant que tout le monde les partage. Et du coup, on trouve impensable qu’une personne réagisse autrement. En l’occurrence ma recherche « martiale » personnelle n’est pas celle de la self-défense à tout prix, de l’efficacité maximale en allant chercher dans les autres écoles ce que je ne trouve pas dans la mienne, la recherche du souffle, du qigong, du soin, etc. Non, ma recherche est autre, et elle est limitée par ma vie professionnelle, privée et surtout l’état de mes finances.

Du coup, je ne participe pas souvent aux stages des autres écoles, et lorsque c’est le cas c’est dans des conditions particulières. Mais il ne faut surtout pas le dire, car la levée de boucliers est équivoque et symptomatique de cet état de fan-clubisme. « Comment peut-on imaginer un instant ne pas aller voir ce maître? ». En fait, c’est simple, ça ne m’intéresse pas. Mais si je dis ça, je suis compris comme « maître XXXXXX n’est pas intéressant ». Ce qui ne sont pas mes propos. Le fan club prendra comme étant une insulte que l’on dise que tel ou tel expert ne nous intéresse pas. Ca ne veut pas dire que l’expert n’est pas intéressant, mais simplement que sa pratique, ce qu’il enseigne ne nous intéresse pas pour l’instant compte tenu de beaucoup de paramètres. En général le fan club ne comprend pas qu’il n’y ait autre chose qui nous intéresse plus que leur expert et que l’on puisse avoir des raisons de ne pas venir.

Je suis partisan du fait qu’avant d’aller voir ailleurs, d’essayer d’en apprendre plus dans d’autres domaines, encore faut-il déjà que je comprenne, maitrise et ait fait le tour de ma propre école. Et après 4 ans de pratique du Uechi-ryû, (en fait 7 ans, mais 3 ans via des stages et de l’entrainement personnel) je me rends compte que je n’en ai pas compris le 10ème et que je n’ai pas encore compris tous les principes ni la structure du kata de base: sanchin et n’en maitrise même pas la base. A quoi ça sert de vouloir écrire une lettre en cursive quand on ne maitrise déjà même pas l’alphabet en script? Pour vouloir courir quand on n’a pas encore appris à marcher.

Après, aller à un stage avec des copains, c’est une autre histoire… Mais me déplacer seul pour aller assister à un stage d’une autre école, payant et souvent cher pour faire quelque chose qui n’aura d’intérêt que dans une dizaine d’années (une fois que j’aurais appris à écrire, mes gammes, à marcher)., pour un aspect qui ne correspond à rien dans la recherche que j’ai entrepris et qui risque même de l’entraver… j’en vois pas l’intérêt. Si je dois me déplacer à un stage d’une autre école, c’est pour des raisons autres: j’accompagne un ami, je vais participer à un stage dirigé par un ami, j’y vais pas amitié pour le dirigeant du stage, j’y vais pour rencontrer une personne, ou pour d’autres raisons…

Dans les arts martiaux le fan-club ne comprendra pas qu’on puisse avoir une autre recherche, qu’on puisse refuser d’aller le plus grand maître (le maître ruban) du monde en arnis, parce qu’on ne s’intéresse pas à la pratique armée (stick, couteau, etc.). Le fan club ne comprendra pas que  pour l’instant, on puisse vouloir apprendre à marcher avant de courir, apprendre les gammes, avant de choisir un instrument. maitriser l’alphabet avant de commencer à écrire… Chacun a sa recherche dans les arts martiaux, et prend un chemin différent, comme pour la cuisine, comme pour la musique, il faut juste accepter que des gens aiment des choses différentes.

Ca me rappelle aussi très récemment lorsqu’on m’a dit que j’étais con, car je ne voulais pas aller voir un concert d’un groupe que j’adore, disant que je préférais écouter le CD. Mon dieu… j’adore un groupe, et je ne suis pas intéressé par aller les voir en concert… BLASPHEEEEEEEEME!!!!!!! Incompréhension de toutes parts… Comment puis-je aimer une musique d’un groupe et ne pas vouloir aller le voir en live? Peut-être parce que je suis simplement comme ça et qu’il faut m’accepter en tant que tel, et ne pas chercher à comprendre?

Les fan-club c’est bien, mais parfois on ne se sent plus du tout  libre de nos choix, voir d’avoir un autre avis. On devient un extra-terrestre, un « anormal »…

Et dire que j’ai été un fan-club et que sur de nombreux points… je le suis encore…