Août 152022
 

Je vais vous présenter les paroles d’une chanson française. Attention, c’est bien du français, et non un patois local ou une langue régionale.

Du coup vous qui êtes français (ou qui parlez le français) et qui me lisez vous devez comprendre les paroles… Attention je le répète cette chanson est bien française et la langue est bien le français!

La chanson parle des chevalier des évangiles et forcément des croisades.

Le titre de la chanson est « Chavalier, Mult Estes Guariz ».

Les paroles sont les suivantes:

Chavalier, mult estes quariz,
Quant Deu a vus fait sa clamur
Des Turs e des Amoraviz,
Ki li unt fait tels deshenors
Cher a tort unt ces fieuz saisiz;
Bien en devums aveir dolur,
Cher la fud Deu primes servi
E reconnu pur segnuur.

Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’Enfenrn n’avarat pouur,
Char s’alme en iert en Pareïs
Od les angles Nostre Segnor.

Pris est Rohais, ben le savez,
Dunt Crestiens sunt esmaiez,
Les mustiers ars e désertez:
Deus ni est mais sacrifiez.

Chivalers, cher vus purpensez,
Vus ki d’armes estes preisez;
A celui voz cors présentez
Ki pur vus fut en cruiz drecez.

Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’alme en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Pernez essample a Lodevis,
Ki plus ad que vus nen avez:
Riches est e poesteïz,
Sur tuz altres reis curunez:
Déguerpit ad e vair e gris,
Chastels e viles e citez:
Il est turnez a icelui
Ki pur nus fut en croiz penez.

Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’Enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en Pareïs
Od les angles Nostre Segnor.

Deus livrât sun cors a Judeus
Pur mètre nus fors de prisun;
Plaies li firent en cinc lieus,
Que mort suffrit e passiun.
Or vus mande que Chaneleus
E la gent Sanguin le felun
Mult li unt fait des vilains jeus:
Or lur rendez lur guerredun!

Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’Enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en Pareïs
Od les angles Nostre Segnor.

Char le fiz Deu al Creatur
Ad Rohais estre ad un jorn mis:
La serunt salf li pecceùr
Ki bien ferrunt pur s’amur
Irunt en cel besoin servir
Pur la vengance Deu furnir.
Cher la fu Deu primes servi
E reconnu pur Segnuur.

Ki ore irat od Loovis.
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’alme en iert en Pareïs
Od les angles Nostre Segnor.

Alum conquere Moïses,
Ki gist el munt de Sinaï;
A Saragins nel laisum mais,
Ne la verge dunt il partid
La Roge mer tut ad un fais,
Quant le grant pople le seguit;
E Pharaon revint après:
Il e li suon furent périt.

Ki ore irat od Loovis
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’alme en iert en Pareïs
Od les angles Nostre Segnor.

Deus ad un turnei enpris
Entre Enfern e Pareïs,
Si mande trestuz ses amis
Ki lui volent guarantir
Qu’il ne li seient failliz.

Ki ore irat od Loovis.
Ja mar d’enfern avrat pouur,
Char s’aime en iert en pareïs
Od les angles nostre Segnor.

Source: https://www.youtube.com/watch?v=rbjFZuHA008

Bon, je suppose que vous n’avez rien compris! Je vous rassure moi non plus, sans les sous titres de la vidéo…

Et oui, c’est bien du français, mais ce que je n’ai pas dit, c’est qu’il s’agit de français du douzième siècle (1145). De cette chanson et de sa notation musicale, un seul manuscrit datant de la seconde moitié du XIIe siècle est connu : le Codex Amplonianus 8 ° 32, également référencé RS 1548a, conservé à Erfurt , en Allemagne. Compte tenu du langage utilisé dans ce manuscrit, la copie est l’œuvre d’un anglo-normand.  (source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Chevalier,_mult_estes_guariz)

Contexte de la chanson

En 1144 la forteresse d’Édesse tombe aux mains d’Imad ed-Din Zengi, l’atabeg de Mossoul et d’Alep. Le siège ne dure qu’un mois et l’atabeg fait massacrer des milliers d’habitants lors de la capture de la ville. En conséquence, le pape Eugène III publie la bulle Quantum praedecessores le 1er décembre 1145 appelant à la deuxième croisade.

Le roi de France Louis VII et l’empereur germanique Conrad III s’engagent, après quelques hésitations, dans une expédition vers l’orient. Les croisés se dirigent vers les terres saintes en juin 1147 accompagnés de 35 000 hommes. On suppose que la chanson Chavalier, Mult Estes Guariz fût écrite entre l’annonce du départ en croisade le 25 décembre 1145 et de son départ effectif le 12 juin 1147.

source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Chevalier,_mult_estes_guariz

Quelle rapport?

Du coup pourquoi ai-je posté cette chanson, ces explications avec ce titre putaclic?

Mon but n’est pas de parler d’histoire et des croisades, mais plus une réflexion sur les langues vivantes.

Lorsque vous avez essayé de lire les paroles de la chanson, quelle a été votre réaction? « Je comprends rien! », « Mais c’est pas du français, ça! »… et pourtant, ça en est… mais il y a un millénaire en arrière. En 1145, c’était ça le français. Qui sommes nous pour juger et dire « ce n’est pas du français »?

Ainsi on peut voir qu’une langue, en mille ans, a connu tellement d’évolution qu’elle est très difficilement compréhensible actuellement. C’est ce qui caractérise les langues vivantes, elles changent et sont en constante évolution, influencées par de nombreux facteurs. Je ne suis pas historien, encore moins linguiste… Et ne peut donc pas vraiment parler de ces facteurs. Mais ce que je peux dire, c’est que les sentiments que l’on peut éprouver à la lecture de cette chanson FRANCAISE en FRANCAIS, sont les mêmes que pourraient avoir une personne du XIIème siècle en écoutant notre français « je comprends rien! », « mais ces quoi ces mots et ces constructions de phrase? », « où est le françois dans ces phrases? ». De ce fait, s’il devait y avoir une académie française au XIIème siècle, ils seraient choqués de voir l’évolution de leur langue.

Et pourtant, c’est ce que l’on voit écrit lorsque les puristes de la langue française voient la façon dont leur langue est déformée actuellement. N’est-ce pas le principe des langues vivantes d’évoluer, de s’adapter et de continuer à changer? Je suis moi-même un intégriste de l’orthographe, de la grammaire et la conjugaison (bien que je fasse de nombreuses fautes, et je suis ravi quand on me les corrige). Je n’aime pas voir des fautes chez les autres… et encore moi avoir des fautes dans mes écritures. Mais peut-être est-ce cela le futur de la langue? Peut-être qu’il est normal de ne pas comprendre des mots utilisés et employés par beaucoup de monde, car ils feront bien partie de la langue? Certains mots ne vivent que par la mode des jeunes rebelles, mais d’autres perdurent et finissent par faire partie du dictionnaire.

Et alors?

Et bien faut il accepter toute transformation de la langue? Ou faut-il être bloqué sur le présent et réfuter toute transformation? Je pense qu’il faut quand même rester correct, et refuser les fautes. Mais il faut accepter que les règles qui régissent la langue changent. Il n’est pas normal actuellement de ne pas même de « s » au pluriel, c’est une faute qui doit être corrigé. Mais si la règle qui dit qu’on doit mettre un « s » au pluriel change, parce qu’un dénombrement que ce soit de un ou de plusieurs est identique, et donc qu’il ne soit plus nécessaire de mettre de « s » au pluriel… pourquoi pas, si la règle change…

De mon point de vue, il faut rester stricte sur les règles! Mais il faut accepter que celles-ci évoluent et changent.

 Leave a Reply

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

(requis)

(requis)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.