Mardi premier mai je suis allé à une compétition kata organié par la ligue de karaté. Mon Uke, partenaire et ami ne m’a pas fait faux-bond et est venu m’accompagner.
Je suis arrivé 3e, médaille de bronze. Et lui 4e.
Tout d’abord pour comprendre un peu l’humour de la situation il faut savoir une ou deux choses.
Dans un premier temps j’étais inscrit par l’intermédiaire de mon ancien club de Nihon Tai-Jutsu chez lequel je prends toujours ma licence.
Donc sous l’étiquette NTJ je me devais de faire des katas NTJ.
Les katas de Nihon Tai-Jutsu/Nihon Jujutsu sont au nombre de
– 3 katas de bases seuls
– 5 katas de bases avec partenaire(s)
– 5 ou 6 katas à plusieurs
Donc pour une compétition karate open kata, je ne pouvais que puiser dans les 3 premiers katas.
le premier d’inspiration chinoise (shorinji kenpo) contient 12 techniques sur 3 pas
le deuxième d’inspiration plus japonaise contient 14 techniques sur 8 pas
le troisième est un mix de shorinji kenpo et de karate japonais: 12 techniques sur 8 pas
autant dire que face à des kankudai, unsu, nijushiho, jion, jitte, hangetsu on valait pas tripette.
Donc voici comment ça a commencé.
Je rejoins donc mon partenaire de NTJ et ami à Amnéville (57360 en Moselle, Lorraine, http://www.amneville.com/)
Nous savions à quoi nous attendre en y allant. Ce que nous recherchions c’était plus personnel:
– la sensation de faire un kata de notre école devant un jury afin de ressentir de la pression et du stress lors de l’execution d’un kata.
– montrer que le club de NTJ s’implique dans la vie fédérale de la ligue
– montrer un peu notre art, et échanger avec d’autres pratiquants.
Mais nous ne nous attendions pas à ce qui allait arriver.
Nous sommes venu pour nous faire plaisir avant tout et trouver des sensations.
Donc j’arrive avec ma femme au lieu de la compétition, nous observâmes les autres compétiteurs.
Une foule de poussins, pupilles, minimes, bref des gamins. Et tous en karate shôtôkan.
J’avais imaginé que pour une compétition de cette envergure (compet régionale, le gagnant allant en coupe de France), il y aurait plus d’adultes, et plus de styles différents.
Mais non, nous étions les seuls à ce moment.
Mon partenaire se tourne vers moi et me dit: « c’est un cauchemar »
J’explose de rire.
Nous apprennons que nous sommes dans la catégorie junior/sénior.
Lorsqu’on nous appelle sur le tatami c’est un peu le choc… on me dit de mettre une ceinture rouge, mon adversaire sera en rouge (et étron! On m’a jamais dit de ramener des ceintures de couleur).
Puis on demande à mon pote quel kata il va faire.
il réponds – le premier kata
on lui redemande : – oui mais c’est lequel
il répond : – le premier kata
on insiste : – et c’est quoi son nom?
réponse : – premier kata
(créations de Maître Hernaez, ces 3 katas sont annoncés en français pour contraster avec les katas shodan, nidan, sandan, yodan et godan avec partenaires)
C’est au tour de mon partenaire et ami qui monte sur le tatami. Il salut son partenaire. Celui-ci en rouge commence et effectue Kankudai.
Mon partenaire et ami effectue le nihon tai-jitsu 1er kata, kata originaire, pour les formes, du shorinji kenpo.
Son kata dure 20 secondes à tout casser. Quand il salut le jury et ferme le kata. Le jury semble interloqué par la durée et le nombre de mouvements du kata (qui est techniquement un des plus durs).
Le sentence tombe, le rouge est vainqueur.
Puis c’est mon tour. Ca y est je le ressens, ce pour quoi je suis venu.
Un bouffée de chaleur m’envahit. Ca y est, je la sens cette angoisse recherchée, ce stress, ce désir de bien faire couplé à la peur de mal faire.
Je salue, annonce mon troisième kata, ouvre le kata et me mets en garde en reculant et de façon bien ronde en prenant une position bien stable.
Et je commence mon troisième kata tout en rondeur, avec un bon rythme et de la puissance en accentuant un peu les formes chinoises.
Le Kata finis, je me remets en yoi, ferme mon kata salut le jury et retourne à ma place.
J’ai senti certaines choses qui ne m’ont pas plus dans ma prestation, et je sais maintenant ce qui manque à mon kata pour le rendre plus vivant et plus personnel.
Mon « adversaire » rentre et fait un truc long avec plein de « hooo » « pschhht » « ayaaa » et de frappe du pied par-terre, de claque sur la poitrine. Bref un très beau kata. Si si, vu de l’extérieur c’était vraiment joli.
La sentence tombe, le bleu gagne.
On regarde d’autre kata, jion, unsu, … il y a parmi les endants de sacrés bêtes de concours.
Puis c’est fini, on décide alors de se changer et d’aller se vider une mousse. Et oui, l’idée de faire cette compétition à Amnéville n’est pas anodine.
IL y a une station thermale à 5 minutes du lieu ainsi qu’une brasserie faisant une bière artisanale de toute beauté et vraiment divine.
Une fois dans les gradin, je demande à mon épouse si elle a pu prendre des photos.
Elle me dit en riant que non, car lorsqu’elle m’a vu monter sur le tatami et commencer le kata, le temps qu’elle se prépare à photographier c’était déjà fini.
Ben ouais les kata de NTJ sont très courts.
Puis, alors qu’on rigole de notre piètre et courte performance en discutant de nos ressenti et des points positifs de cette rencontre, j’entends « Et 3e ex-aequo, médaillé de bronze » suivit de mon nom.
Houuuu… puuuuurée!
Je file me changer à toute vitesse et rejoint la surface de combat, mais c’est trop tard, les lauréats ont déjà reçu leur médaille ont eu leur photos.
Je me retrouve comme un imbécile planté là, à me demander ce qui s’est passé.
Je me fais confirmer ma place de 3e et me fais inscrire l’exploit dans mon passe-port comme preuve et rejoint mon ami et ma femme, tous deux hilares. J’aurais pas eu ma médaille.
Mon pote ira lui aussi immortaliser le moment sur son carnet, et aura l’occasion de discuter avec des juges/arbitres.
On se sera bien fait remarquer. (C’était aussi le but de la manoeuvre).
Visiblement, les officiels étaient content qu’un petit art martial méconnu pratiqué dans un petit club de campagne comme le notre participe à la vie fédérale et se soit déplacé pour un évènement régional alors que les pratiquants de karate avaient tous boudés la chose (Avec deux surfaces de combat en 45 minutes la compet kata a été torchée)
Au final, On aura une expérience intéressante de pratique sous stress, mais aussi le plaisir d’avoir joué le jeu et de s’être fait plaisir avant de se perdre dans les bulles de boisson à base de houblon (pour des raisons familiales nous n’irons pas nous détendre à la station thermale).
Je tiens quand même à applaudir l’organisation sans fausse note des officiels, leur investissement dans ces rencontres et surtout leur gentillesse et leur sympathie.
Ce que nous avons pu remarquer c’est que tous les pratiquants quels qu’ils soient sont venus nous serrer la main pour nous dire bonjour.
Et non seulement les pratiquants mais aussi les officiels qui sont mêmes venus discuter un peu avec nous.
Bref, une équipe dirigeante très ouverte, très sympathique, modeste et humble.
Et puis pour déguster une mousse artisanale dans un jardin, au soleil, rien que pour ça le déplacement valait le coup!
A oui… A ceux qui trouveraient que 3e ex-aequo c’est bien placé… Nous n’étions que 6!
Et il y a 2 seconds ex-aequo… ce qui fait que mon collègue et moi sommes avant dernier et dernier.
Devant ce que ça nous a appris, ni lui, ni moi ne regrettons de nous être engagé là-dedans même si on a dû sembler ridicule avec nos kata de 6 mouvements aller et 6 mouvements en miroir.
Et puis de temps en temps, ça fait du bien de se prendre au jeu. Je pense que si j’en ai l’occasion je recommencerai.