Juin 192009
 

traduction de Jack Huser (alias gojira) de l’interview de Shaun Banfield: http://www.theshotokanway.com/interviewwithpatmccarthy.html

« KATA: Une devinette emballée dans un mystère à l’intérieur d’une énigme »

Patrick McCarthy est un des plus célèbres et des plus populaires Instructeur et chercheur en arts martiaux dans le monde.  Il est un écrivain prolifique, comptant à son actif des centaines d’articles dans les publications d’arts martiaux à travers le monde et auteur de nombreux livres dont « the Bubishi – The bible of karate ». Lorsqu’il n’écrit pas, il passe la majeur partie de son temps à voyager dans le monde pour donner des stages, tout en continuant ses recherches sur les arts martiaux. En 2007, Emma et moi avons eu la chance de voyager et nous entrainer avec sensei McCarthy. Il, je dois dire, est un pratiquant d’arts martiaux érudit, qui est un animateur et pas un dictateur dans ses cours, apportant de l’espace aux élèves pour apprendre et développer leur compréhension. Nous sommes simplement enchantés de pouvoir faire cette interview avec lui. Shaun Banfield 2007

(Shaun Banfield) Je sais que vous avez dû répondre à cela un million de fois, mais pouvons nous commencer l’interview en vous demandant comment avez vous été amené à vous intéresser aux arts martiaux pour la première fois?

(Patrick McCarthy) Durant les années 60, un documentaire de la Canadian National Film Board, de titre « Route vers les jeux olympiques », surlignant la carrière en compétition du champion de Judo canadien [et médaille d’argent aux jeux olympiques de 1964] Doug Rogers, fut projeté dans mon école. J’ai immédiatement été accroché par les arts martiaux après ce documentaire.

(SB) Le judo fut-il le premier art martial que vous avez étudié? Et quand vous êtes vous tourné vers le karate?
 
(PM) Oui j’ai commencé avec le judo et j’ai pris ma première leçon de karate en été 1967.

(SB) Vous avez voyagé à Okinawa pour des vacances d’été afin de chercher et apprendre. Pouvez-vous s’il vous plait nous raconter votre expérience là-bas et comment cela a changé votre compréhension du karate?

(PM) C’était une visite en 1985 lorsque j’ai voyagé de ma maison à Vancouver [Canada] pour passer l’été à Okinawa. Ce voyage a été tout simplement une merveilleuse expérience et a eu un profond impact sur la façon dont je suis venu à comprendre et pratiquer les arts martiaux. Jusqu’à ce jour je n’avais seulement expérimenté que des interprétations de karaté nord-américaines [bien que parfois, d’un instructeur japonais ou d’une élève de maitre japonais], J’avais une toute petite première main de connaissance de l’entrainement au Japon mais rien d’Okinawa, de la culture et des gens. Durant ces jours, je m’étais construit l’idée que le pédigrée et la lignée étaient essentiels pour apprendre « l’authentique art ». Puis à travers les années d’études je suis devenu graduellement plutôt obsédé par apprendre à la source [Okinawa] et avoir mes pratiques traditionnelles corrigées par les maitre Okinawaiens tout en apprenant autant que je pouvais de la tradition originale.

Durant les années de pratique des arts martiaux des années 60 aux années 70, il était habituel de se lier avec d’autres instructeurs [du Canada et des USA], et effectuer des entrainements croisés dans différents styles. De la même façon, je ne voyais pas ce qui m’empêchait de faire pareil à Okinawa. Comme mon but était d’apprendre le plus possible, je n’ai pas pensé que mon expérience serait mieux servi en m’entrainant dans un seul dojo, indépendamment du nombre de fois où je pourrais le visiter par semaine. J’ai donc appris très tôt dans mon entrainement que selon les sources le karate n’était pas étudié, pratiqué et enseigné de la même façon et que tout ça pouvait être récolté en s’entrainant auprès de diverses autorités. Après que je sois arrivé à Okinawa et installé, j’ai appris qui était qui et établit une routine régulière de visite de divers dojo. Les dojo les plus connu que j’ai visité cet été appartiennent à des instructeurs comme Nagamine Shoshin, Yagi Meitoku, Nakazato Joen, Miyasato Eiichi, Akamine Eisuke, Shimabuku Ezio, Matayoshi Shimpo, Uechi Kanei, Nakamoto Masahiro, Higa Seiichiro, Shinzato Katsuhiko et Hokama Tetsuhiro, etc. J’ai visité d’autres dojo et rencontré d’autres instructeurs, mais ces dojo sont ceux où j’ai passé le plus de mon temps. Bien sûr il y eu de fréquentes visites à la boutique de Monsieur Nakasone [shureido], qui devint une sorte de place de rencontre informelle, et, la place où j’ai dépensé le plus de mon argent si durement gagné!

Bien que m’ayant entrainé pour près de 20 ans avant mes tribulations à Okinawa, j’étais relativement naïf à propos de nombreux aspects du karate traditionnel, incluant la politique. Ce voyage, ses rencontres et ses entrainement avec autant de maître influants, et les opportunités uniques que j’ai expérimenté ne m’ont pas seulement aidé à comprendre l’art du karate, mais aussi m’ont appris beaucoup sur la nature humaine et ont ouvert pour moi de nombreuses portes d’apprentissage. Armé de cette expérience de première main, j’étais capable de parler avec un peu plus d’autorité sur de nombreux aspects de la pratique de l’art. Cette expérience m’a aussi permis de voir que ce que je faisais était faux et m’a donné les capacités de faire les changements nécessaires. De façon surprenante, la visite a aussi validé beaucoup de chose que je faisais avant d’aller à Okinawa. Mais plus important, l’expérience m’a aussi clairement fait réaliser qu’Okinawa n’avait pas toutes les réponses. En fait, il m’est rapidement devenu évident que l’occident était terriblement sous-estimée. En vérité, on tend à nous entrainer plus durement et intelligement en occident et nous sommes bien plus systématisés, précisément en ce qui concerne les résultats d’entrainements.

Finalement, ce premier voyage à Okinawa a été le début d’une quête, qui m’a conduit à découvrir en fin de compte des pratiques perdues, l’essence de cet art et l’indépendance.

(SB) Et que pensez-vous que soit l’essence de cet art? Vous avez mentionné que ce voyage ‘m’a aidé à mieux comprendre l’art du karate et ce qu’il était vraiment’. Pouvez-vous s’il vous plait nous dire votre compréhension de ce que le karatedo est vraiment pour vous?
 
(PM) Peut-être que je peux répondre à cette question plus explicitement en paraphrasant un passage de D.T. Suzuki, qui apparait dans la préface qu’il a écrit pour Eugen Herrigel dans sa merveilleuse publication « Zen dans l’art du tir à l’arc »; Au Japon les arts martiaux ne sont pas pratiqués uniquement pour des buts utilitaristes, comme le combat ou la self défense. Le Budo [dans lequel le karatedo fait partie intégrante] est aussi un outils qui entraine l’esprit et le porte au contact de l’ultime réalité.Si quelqu’un souhaite vraiment maitriser un art, les connaissances techniques ne suffisent pas. On doit transcender la technique afin que l’art devienne un « art sans art » se développant dans l’inconscient. Dans ce sens, le karate devient un chemin où l’on apprend à se connaitre soi, les autres et la vie elle-même.

Okinawa a été le premier endroit où j’ai appris qu’il était possible d’établir une telle symbiose avec le karatedo que ma vie  devienne un tel produit de l’art alors que l’art devenait un produit de ma vie. L’expérience passée à Okinawa a aussi ouvert des portes à travers desquelles j’ai pu finalement voir que la faiblesse humaine [un but universel à surmonter] était une issue interne et non un problème externe. Cela m’a aidé à réaliser qu’avant de pouvoir vraiment maitriser cet art, et moi-même, la direction vers le voyage ultime doit être intérieure et non extérieure. Finalement, deux leçons, qui m’ont aidé à gouverner la façon dont j’ai embrassé l’art, ont été Bunburyodo [le concept de trouver l’équilibre entre les arts physiques et les arts littéraires] et  On Ko Chi Shin [étudier l’histoire et l’évolution de l’art dans le but de mieux comprendre son interprétation moderne].

J’ai été très inspiré par cette philosophie à travers les années qui se sont depuis bien longtemps écoulées, j’ai essayé [et pas toujours avec un franc succès] à montrer par l’exemple cet enseignement et modeler la façon que j’avais de m’entrainer et d’enseigner.


(SB) Votre voyage vous a amené à découvrir des pratiques perdues. Pouvez vous nous en dire plus sur elles et comment en retour elles vous ont influencé?

(PM) Comme la plupart des enthousiastes qui lisent des livres et des magazines, je savais depuis longtemps que le temple de shaolin était le berceau duquel le karate prenait ses racines. Ce que je ne savais pas, et qui n’était pas une connaissance habituelle 25 ans en arrière, était ce qui était la méthode/pratique génitrice qui a fondé les bases du karate. En étudiant la préhistoire du karate, j’ai découvert que la Chine [c’est à dire la province du Fujian] et l’asie du sud-est [Siam/Thailande] étaient les sources originales d’où venaient les vieilles écoles des arts de combat. Ainsi j’ai voyagé à ces endroits avec le but principal de trouver et localiser les sources des précurseurs en rencontrant des écoles et des instructeurs locaux et en croisant les styles et les méthodes d’entrainement avec les kata et pratiques secondaires communiquées à travers les lignées de Kanryo Higaonna et Itosu Ankô. [Note: j’ai aussi utilisé les sanchin, sanseiryu et seisan ramené de la chine par Uechi Kanbun].

Initialement, j’étais fasciné par la façon dynamique dont les adeptes des anciennes écoles bougeaient leur corps lorsqu’ils faisaient des drills et des katas et j’ai cherché à mieux le comprendre, surtou lorsque cela était très désapprouvé dans le karate moderne. J’ai pu gouter avec plaisir cette sorte de mouvement dynamique avec monsieur Kishaba durant mon premier séjour à Okinawa, à l’école du professeur Shinzato à Yanabaru, et j’ai ainsi pu en apprendre un peu plus là dessus. Il devint rapidement évident que faire un pas, glisser, le travail mécanique énergique des hanche, le controle de la respiration, flotter et couler [comme décrit dans le bubishi] représentait des mécanismes fondamentaux dans la génération d’énergie dans de nombreuses école locales que j’ai visité. J’ai été relativement étonné avec les drills à deux ainsi mis en activité et les premisses contextuels réalistes sur lesquels les applications pratiques prévues étaient imbriquées. Je n’avais jamais expérimenté ce type d’enseignement collectif auparavant, et cela a eu un gros impact sur moi et sur la façon de m’entrainer J’ai pris sur moi d’identifier les mécaniques fondamentales et à en apprendre sur ces principes, qui soutiennent la dynamique, les applications pratiques et les drills à deux. Inconsciemment, tout cela a commencé à inflluencer mon propre entrainement jusqu’à ce que ces enseignements imprègnent la plupart des choses que je faisais.
 
(SB) La culture d’Okinawa a dû avoir un sérieux effet sur votre pratique et votre compréhension. Qu’étaient ce que vous adoriez de la culture d’Okinawa et est-ce que cela a changé votre façon de pratiquer les arts martiaux?
 
(PM) Okinawa est vraiment un lieu qu’il faut visiter. Sa météo, ses plages, sa nourriture, ses fêtes et son shopping sont vraiment formidables. Le meilleur de tout, les habitants d’Okinawa sont généralement très amicaux et hospitaliers, aussi. Je ne me suis jamais senti menacé là-bas. En fait la même chose peut-être exprimée pour la culture japonaise en général. Spécialement par contraste avec l’occident, où par exemple, si vous regardez une personne de la mauvaise façon il prend ça comme une agression. De plus, il est assez difficile de trouver une personne japonaise sarcastique ou une qui va vous insulter facilement et rapidement. Il y a virtuellement aucune menace pour la sécurité de quelqu’un. Quand bien même Okinawa fait partie du Japon, et personnifie clairement la culture japonaise à tous les points de vue, elle a aussi sa propre culture native [et sa propre langue native], qui depuis les ving dernières année commence a prendre le dessus et être un peu plus développé. Okinawa est aussi une île, et on s’attend donc à retrouver les mêmes mentalités qu’on retrouve dans d’autres iles. En gros, ils sont généralement plus décontractés en comparaison  de leurs homologues continentaux. Ensemble, avec un décor d’île tropical, le mélange de ces deux cultures en fait un lieu vraiment merveilleux.
 
J’ai adore l’approche décontractée de la vie, et de l’entrainement, à Okinawa, qui je pense marche vraiment très bien avec des gens vraiment motivés pour apprendre. Personnellement, je n’aime pas les élèves ou les enseignants paresseux — ou ceux qui parlent d’entrainement mais qui ne le font que rarement! Le combattant okinawaien renommé, Motobu Choki, avait un terme intéressant pour décrire ceux qui discouraient plus qu’ils ne faisaient il les appelait « Kuchi Bushi » ce qui veut dire grossièrement « Guerrier de la bouche ». Les japonais disent simplement, « Fugenjiko » ce qui veut dire « montre moi ne me dis pas » « moins de bavardage, plus d’action » ou « l’action a plus de poids que les mots ».

J’ai eu terriblement de mal avec l’approche militaire de l’entrainement et je ne trouvais pas vraiment d’utilité aux répétitions machinales d’exercices incongrus. Chaque opportunité d’entrainement croisé m’a vraiment séduit, alors l’entière idée de travailler des pratiques basée sur des applications avec d’autres exercices intelligents m’enthousiasmait bien plus et me semblait plus gratifiant.
 
Au fait, pour tous ceux de vos lecteurs qui cherchent à mieux comprendre la  mentalité japonaise, puis-je leur recommander [fortement] la merveilleuse publication de Boye De Mente « Kata, The Key to Understanding and Dealing with the Japanese » que l’on peut trouver >ici<. C’est selon moi le meilleur livre sur le marché.


(SB) Suis-je correct en exprimant que vous avez vraiment perdu vos illusions quant à l’approche du karate de type 3k (kihon kata kumite)

(PM) Bien sûr, qui le ne serait pas? Toutefois, Je ne veux pas dire que le style d’entrainement 3K est/était inutile, ce n’est pas le cas — il sert certainement une cause importante bien que lié à un règlement. J’ai perdu toute mes illusions avec l’entrainement de type 3K simplement parce que ce n’était pas possible d’obtenir un résultat plus fonctionnel que je cultivais. L’accent de mon attention a été déplacé de répéter des rituels standards liés par le règlement vers l’atteinte des application pratiques dans les kata traditionnels.

(SB) Pensez vous que de nombreux systèmes placent des limites non nécessaires atour de la pratique 3K et comment avez vous par conséquent adapté votre entrainement pour qu’il devienne plus fonctionnel?

(PM) Oui, je crois qu’il y a des limites qui ne sont pas nécessaires autour de la pratique type 3K. Toutefois autant que je sache c’est la façon dont les karate basés sur la JKA ont atteint leur résultat. Les experts JKA, à ce que je connais, n’attendent rien de plus de leurs élèves que ce qui est prescrit dans ce type d’entrainement, ainsi à ce niveau il n’y a presque pas besoin de changement. Personnellement j’ai embrassé un menu bien plus souple qui correspond à mes besoins. Pour votre information, je mets un accent important sur les kihon [les outils fondamentaux de percussions, saisie et brise-chute], kumite [basés sur HAPV (Habitual Acts of Physical Violence: Actes physiques Habituels de violence) qui sont des pratiques avec partenaire qui consiste à donner et reçevoir des coups, travail en saisie (clinch), manipulations des articulations et enchevêtrement des membres, étranglement et étouffement, déplacement de l’équilibre, travail de préhension et travail au sol, points de pression et sortie, contres], et kata [qui ont comme même origine que les sources Higaonna et Itosu-Asato comme pour les katas de shôtôkan]. Pour votre information, j’ai ressorti beaucoup de routines traditionnelles [un effet négatif à la fois de la culture inflexible du budô japonais et des modifications modernes du karate compétitif moderne plus intéressé dans la forme que dans la fonction] en ramenant les mécanismes fondamentaux de génération d’énergie comme le travail des pas (glissés et marchés) [là où c’est applicable] , ouvrir les mains alors que celles-ci sont des poings fermés [où c’est applicable, par exemple le sanchin de Miyagi], les mécanismes de vibration du corps, le couple des hanches et le phénomène de flotter et couler. Et si certains de vos lecteurs pensent qu’il s’agit d’un blasphème ou que je devrais être critiqué pour faire de telles choses, J’ai bien peur qu’ils vont devoir rentrer dans le rang tôt ou tard.
 
(SB) Un entraineur de Muay Thai m’a dit une fois que beaucoup d’arts traditionnels nourrissent une trop grande confiance et manquent de compréhension sur les situations réalistes. Quel est votre avis derrière cela, et comment pensez vous que les pratiquants de karate shôtôkan par exemple peuvent améliorer leur entrainement pour apprendre à se défendre efficacement dans la rue sans pour autant perdre les principes fondamentaux du shôtôkan?

(PM) Je serais plutôt d’accord avec ce qu’il a dit. En fait, je partage des impressions similaires pour les TMA (Arts Martiaux Traditionnels) en général et la mentalité habituelle basée sur le shôtôkan, en particulier. Cela, bien sûr, ouvre un sac de noeuds énorme, principalement politique, bien sûr, mais un changement de perspective dans l’entrainement et un postulat contextuel réaliste pour la pratique basée sur des applications ne ferait au shôtôkan que du bien. Il y a eu une tradition d’étroitesse d’esprit, de suffisance et d’incompréhension depuis si longtemps à la source que je suis persuadé que les masses ne vont certainement pas accueillir un tel changement, et encore moins en voir le besoin. Mais pour le côté positif de la chose, à partir de conversations privées que j’ai eu le plaisir d’avoir avec les autorités shôtôkan non japonaises, comme Stan Schmidt, Ray Dalke et Paul Perry, etc., de tels changements sont vigoureusement embrassés, ne serait-ce que par peu d’entre eux.

(SB) Qu’est-ce vous diriez que sont les clefs pour comprendre et se défendre efficacement contre une vrai attaque violente?

(PM) Il y a plusieurs facteurs qui entourent ces issus. Un manque d’éducation sur la nature violente et la dynamique de leurs agissement habituels dans la  violence physique ainsi qu’un préparation pratique inadéquate est ce qui empêche à beaucoup d’élève d’établir les compétences nécessaires pour négocier efficacement des attaques violentes réelles.

(SB) le shôtôkan place beaucoup d’attention sur les position et l’entrainement des positions pour générer de la puissance. Pour le combat de rue, toutefois, sortir un zenkutsu-dachi bien large ne serait pas la façon de faire. Malgrè tout,  vous avez été dans une direction qui n’adhère pas à un style ou un système, pratiquez vous toujours ou faites vous toujours la promotion de ce type d’entrainement sur les positions traditionnelles ou d’entrainement en ligne?

(PM) L’entrainement postural est un composant vital du karate traditionnel et ça me fait penser à une perspective que je voudrais porter au lecteur pour un moment. Se tenir debout face à face avec un attaquant et le frapper lourdement peut représenter une partie de la violence physique, je suis certain, qui englobe le spectre entier. Prenons par exemple les saisie et la lutte pour controler quand tout devient une pagaille monstre durant un assaut. L’idée  d’avoir une position fixe et suffisament forte pour délivrer efficacement des impacts percutant [ou une combinaison d’impacts], négocier les déplacements d’équilibre, ou enchevêtrer les membres ou même étrangler est un atout, pas un handicap. La plupart des gens pensent en terme de position de face à face de boxe classique durant un combat lorsque, en vérité, s’il y a un espace entre vous et l’attaquant, vous feriez mieux de penser à vous barrer en vitesse plutôt que brûler de la testosterone. Les positions, en application, ne devraient pas être différentes des applications de formes de combat; le but de cela est d’être fonctionnellement mobile, dans le but de pouvoir négocier efficacement une attaque, tout en supportant aussi le transfert d’énergie cynétique, autant pour des impacts percutants que pour des manipulations suivant des saisies.   

Par la même occasion, comme vous avez mentionné que je suis allé dans une direction de style libre, j’aimerais ajouter la chose suivante. Je suis sûr que le changement de direction dans lequel je voyage actuellement est bien plus en phase avec l’enseignement que nous ont laissé les pionniers de nos arts que la mentalité conformiste, qui forme les fondations du karate moderne. « La tradition n’est pas  à propos de préserver des cendres mais de garder une flamme allumée. » – Jean Janses. La seule façon de le faire efficacement, surtout dans un lieu où subsiste de telles ambiguités généralisées, est d’explorer continuellement ce que nous ne comprenons pas en utilisant toutes et n’importe lesquelles des significations qui nous sont accessibles. C’est ce que je suis entrain de faire, c’est la ligne directrice de l’IRKRS, et c’est aussi ce que je crois que les pionniers de nos traditions ont embrassés et ont signifés à tous les pratiquants d’accepter comme étant la vérité.
 
(SB) Comme vous l’avez mentionné, vous êtes le fondateur de la International Ryukyu Karate Research Society. Pouvez vous nous dire s’il vous plait un peu plus à propos de cela?

(PM) Durant les années pendant lesquelles j’ai résidé au Japon, j’ai écrit assez régulièrement à divers magazines [FAI, Black Belt, Australasian, etc.] et établit un groupe de correspondants, de toutes sortes. Les années passant, j’ai correspondu avec des centaines de personnes à travers le monde entier et les rassembler pour traiter un bon nombre de questions principales vis-à-vis de notre tradition, est devenu un prolongement de mes efforts continue pour aider les autres. Après le groupe multi arts martiaux de Don Draeger, JMAS [c’est à dire Japan Martial Arts Society, dont j’ai été membre depuis 1985], qui est tombé tranquilement au repos, en 1991, le meilleur à ma connaissance l’IRKRS était le premier groupe de recherche sur le karate/kobudo non politisé désié aux pratiquants non japonais.

A ce jour, nous sommes devenu un réseau en ligne pour les échanges intellectuels parmis les membres. Notre activité principale se concentre sur le guidage et le conseil des pratiquants et professeurs de karate/kobudo okinawaien ou japonais [à la fois classique et contemporain] à travers des discussions, des articles, des journaux, des DVD et des stages. Nous avons construit avec succès des ponts unifiants les pratiquants qui partagent notre point de vue à travers le monde entier durant les 10 dernières années en éliminant les ambiguïtés et en transmettant les vraies origines et évolutions du karate tout en se spécialisant  dans les pratiques des applications fonctionnelles basées sur des katas traditionnels et « ancestraux ».

(SB) Qui parmi les instructeurs en shôtôkan avec qui vous vous êtes entrainé vous ont inspiré?

(PM) J’ai été, d’une façon ou d’une autre, inspiré par de nombreux instructeurs en karate shôtôkan; Masami Tsuruoka, Nakayama Masatoshi, Nishiyama Hidetaka, Kanazawa Hirokazu; et bien sûr mon professeur, Richard Kim — qui n’a pas seulement servi de comité de direction à Nishiyama [et qui a enseigné à ses côtés chaque année aux stages d’été de San Diego], mais qui incarnait aussi l’homme idéal dans de nombreuses façons.

[SB) Pouvez vous nous en dire un peu plus sur Richard Kim et son influence sur vous et votre karate?

(PM) Richard Kim était de nombreuses choses à de nombreuses personnes et a profité d’une longue carrière, prospère, à multiple facettes.  Pour moi il était un orateur éloquent et un mentor perspicace capable d’inspirer même l’étudiant le plus rebelle d’embrasser des changements… je parle d’expérience. Pour ceux qui seraient intéressés, J’ai écrit un peu plus sur ma relation avec lui ici (http://www.koryu-uchinadi.org/Richard_Kim.pdf). Monsieur Don Warrener, de Rising Sun Productions, a récemment publié un nouveau livre à propos de la vie et l’oeuvre de cet homme de mystères (http://www.risingsunproductions.net/catalog/product_info.php?cPath=25&products_id=1017).


(SB) Vous avez traduit le ‘bubishi’, ce qui, j’imagine, a dû être une tâche incroyablement décourageante. Pouvez vous s’il vous plait nous en dire plus à propos du Bubishi et de comment vous en êtes arrivé à le traduire?

(PM) Quelque part au milieu des années 1970, durant les années où je résidais à Toronto [Canada], j’ai acheté une copie de « Karatedo Kenpo », dont j’ai découvert plus tard qu’il s’agissait en fait d’une copie Taiwanaise piraté du livre de Kenwa Mabuni « Seipai no Kenkyu » [l’étude de seipai]. Dans une section plus lointaine de la publication apparaissait la version du Bubishi de la lignée de Itosu Anko de Mabuni. Le temps passa, toutefois, jusqu’à ce que je sois amené à comprendre l’importance du Bubishi et de ses connection avec notre tradition. En 1979 j’ai réemménagé à Vancouver (Canada) mais j’ai continué à être actif sur la scène des compétitions Canadiennes/Américaines, où j’ai pu rencontrer Teruo Chinen — un instructeur de Goju Ryu de Spokane [dans l’état de Washington]. Après m’être entrainé avec lui une paire de fois il m’a invité à lui rendre visite à Spokane. J’ai beaucoup aimé m’entrainer avec lui et j’ai beaucoup appris. De plus, J’ai développé une amitié solide avec lui et j’en suis arrivé à l’inviter à mon dojo de Vancouver et qu’il reste en tant qu’invité dans ma maison. Durant une conversation en 1985 aux Bermudes, il m’a promis, que si je le rencontrais à la compétition de Ozawa sensei à Las Vegas, il me montrerait quelque chose qui selon lui « a été un secret gardé très longtemps en Karate ».

A Las Vegas, Teruo Chinen m’a invité dans sa chambre d’hotel où, loin du regard indiscret des autres, il m’a montré une copie, recopiée à la main, du Bubishi, et m’expliqua de sa grande valeur. A partir de cet instant j’en suis venu à réaliser l’importance de ce travail et m’appliqua à le comprendre complètement. Comme je ne pouvais ni parler, ni lire ou écrire le chinois ou le japonais, j’ai décidé de chercher ceux qui pourraient m’être d’une quelconque aide. Durant les années à Vancouver, avant de m’installer au Japon, j’ai cherché et reçu de l’aide au niveau traduction  de trois personnes: Misao Batts [un traducteur japonais de l’université de Colombie Britanique], Sifu Ken Low  (un expert local d’arts martiaux chinois et président de l’association du kung fu  de l’ouest Canadien ) et Miyahara Yuriko  (une femme d’affaire japonaise qui travaille pour Tokyu Corporation à Vancouver ). Finalement j’ai décidé à m’embarquer à étudier le langage japonais moi-même et je me suis inscrit au centre de formation japonais à Vancouver, où j’ai appris le japonais directement sous l’enseignement de Egawa Machiko. Les années suivant mon déménagement au Japon, je me suis marié [avec Miyahara Yuriko, la femme d’affaire japonaise travaillant pour Tokyu Corporation], j’ai continué à étudier le japonais et j’ai énormément voyagé [Sud Est asiatique, Taiwan, Fujian, Shanghai, Shaolin, Okinawa, etc.] dans ma recherche de maitrise des arts de combats, et une meilleur compréhension de leur culture et des études diverses associées.

Comme je continuais à travailler minutieusement à déchiffrer le Bubushi j’ai embarqué mon épouse avec moi pour m’assister dans ce travail. Mon engouement pour cette vieille anthologie, et ma passion pour les arts de combat, m’a aussi permis d’obtenir des contacts personnels avec de nombreus gradés et authorités dans le milieu des arts martiaux japonais/okinawaiens et chinois, qui d’une façon ou d’une autre m’ont aidé à ouvrir de nombreuses portes de compréhension jusque là fermées dans le projet du Bubishi. Les sources et les noms les plus reconnaissables incluent, Li Yiduan [membre du monastère shaolin du sud], Tang Shifeng Shifu [ancien élève de Chin Wu à Shanghai], Si Yanpu [chef instructeur en boxe de shaolin au temple Shaolin principal], Liang Yiquan [moine shaolin retraité et directeur de la société de recherche: Shaolin Quanfa Research Society], Gao Shifu [de la Yangshuo Quanfa academy Guangxi], Guo Kongxi [3ème génération de boxe du tigre et petit fils de Zhou Zhihe], Jin Jingfu [directeur de la 3ème génération de la grue chantante de la lignée de Xie Zhongxiang alias Ryu Ryuko], Liu Songshan [directeur de la 3ème génération de grue qui se nourri], Siaw Joonfa [4ème génération de professeur de grue blanche, Persatuan Kebudayaan Jasmani Ming Chung Hok, Est de la Malaisie], et Wu Bin [de la fédération des Arts Martiaux d’Asie en Chine « Departement de Recherche et d’enseignement »].

Les sources japonaises et okinwaiennes incluent: Gogen Yamaguchi [fondateur du Goju Kai, qui a publié une version précédente du Bubishi], Ôtsuka Tadahiko [président de la Goju Kensha, et de l’IMO, un des trois autorités japonaises dirigeantes du Bubishi], Nagamine Shoshin [historien, auteur et fondateur du Matsubayashi Ryu], Konishi Takehiro [2ème génération de directeur du Shindo Jinen Ryu et ma source de la copie de Mabuni entièrement faite à la main du Bubishi de Itosu], Hiroshi Kinjo [considéré comme un des anciens au Japon qui est le plus okinawaien des maitres de karate et mon professeur], Hokama Tetsuhiro [Goju-ryu de la lignée de Higa Seiko, chercheur et président de du Musée Historique des Arts Martiaux Okinawaiens], Dr. Iokibei Tsutomu [pratiquant de « MTC » Médecine Traditionnelle Chinoise], Professeur Takara Kurayoshi [Université des Ryukyu, Faculté des Lois et des Lettres, Langages et Cultures], Morio Higaonna [fondateur de l’IOGKF, qui a écrit la préface pour mon édition de 1990], Hisataka Masayuki [président du Shorinji Ryu Kenkokan qui a écrit la préface de mon édition de 1994], Fujiwara Ryozo [un auteur et historien d’arts martiaux japonais hautement respecté], Takamiyagi Shigeru [un historien en arts martiaux okinawaiens très respecté et co-auteur de « Karate-do, Sono Rekishi To Gihon » avec Kanei Uechi], Miyagi Tokumasa [un auteur et historien des arts martiaux okinawaiens très respecté], Kinjo Akio  [un auteur et historien des arts martiaux okinawaiens très respecté], Tokashiki Iken [un auteur et historien des arts martiaux okinawaiens très respecté, président de la Gohakukai, et directeur de Tomari-te], Nakamoto Masahiro [un auteur et historien des arts martiaux okinawaiens très respecté, président du Bunbukan], et mon collègue, Iwae Tsukuo [un auteur et historien des arts martiaux okinawaiens très respecté].

Collectivement, mon épouse et moi avons pu rendre un produit fini au début de 1994. Ce fut l’édition qui attrapa l’attention de Alex Kask, alors éditeur à Tokyo pour [la section des arts martiaux de] Charles E. Tuttle Publication Comany, qui publia le livre l’année suivante. Pour votre information, je suis entrain de travailler sur une publication suivante dont le tire est « Le Compagnon du Bubishi » (The Bubishi Companion), qui va détailler mes recherches  dans cette publication historiquement importante et aussi décrire comment étudier son contenu.

(SB) Quel voyage passionnant ça a dû être, Emma et moi sommes impatients de lire cette suite. Ce n’est pas le seul projet sur lequel vous avez travaillé avec votre épouse si je suis correct? Pouvez vous nous en dire plus sur certains de vos autres travaux?

(PM) Yuriko m’a toujours aidé pour la plupart des recherches basées sur le Japon, les traductions et les publications, et elle continue à m’aider de cette façon. Ce qui me prend des heures à accomplir, cela ne lui prend que quelques minutes! Une grande partie de mon travail peut être trouvé ici

avec des interview passées  et des articles sauvegardées dans la partie réservée à nos membres. A ce propos, j’ai noté que vous avez un de mes articles [sur Ko Chi Shin « étudier mieux l’ancien pour comprendre mieux le nouveau] listé sur votre site Shotokanway. Très bien pour vous 🙂

(SB) Vous avez mentionné lorsque nous nous sommes entrainés avec vous que la Self défense devrait être basée sur l’instinct et non les capacités cognitives. Pensez vous que trop de gens pensent de façon excessive lorsqu’ils s’entrainent, ou même lorsqu’ils combattent?

(PM) Personnellement, Je ne crois pas que quelqu’un a le luxe de « penser » quand tout est une pagaïe monstre. Au milieu de l’imprévisibilité chaotique la violence physique je crois que les réactions conditionnées et instinctives soit un des mécanismes principaux.. En surfant sur internet ces dix dernières années, J’ai découvert qu’il y avait un flot sans fin d’enthousiasme des arts martiaux principalement intéressé à discuter des détails insignifiants de la violence physique, jusqu’à quel angle un coup de pied ou de poing est il le meilleur pour défaire un attaquant lors d’un combat. Ce type de « pensée » est vraiment bonne seulement lorsque cela conduit un élève à considérer des pratiques d’entrainement plus fonctionnelles. Tous les arts martiaux qui n’ont pas perdu le contact avec la fonctionnalité, recommandent des méthodes d’entrainement qui cultivent les aptitudes instinctives. Parlant d’expérience, Je peux dire que pour certains, ces réactions instinctives sont développées à partir de méthodes d’entrainement qui portent les pratiquants dans des contacts réguliers avec l’imprévisibilité chaotique de la violence physique.

(SB) Avec vous des exercices ou des méthodes d’enseignement que des collègues instructeurs peuvent utiliser pour améliorer leur capacités à faire face à « l’imprévisibilité chaotique de la violence physique » dans leur cours, ce qui peut les aider à rendre leurs techniques plus fonctionnelles?

(PM) On utilise de nombreux drills pour cultiver ce procédé, et, il est important de comprendre que c’est un processus, qui, en plus de la détermination, prend du temps, du dévouement et de la patience — généralement beaucoup de patience. Tout le monde ne peut pas être un bénéficiaire de ses valeurs simplement parce que le procédé d’entrainement nécessite quelque chose que le pratiquant n’a pas l’habitude ou le désir de supporter; par exemple faire face volontairement à la menace d’une blessure réelle, de la souffrance et le sentiment de complète impuissance, d’incompétence et de frustration prolongée. Voici un petit quelque chose que vous pouvez essayer sur vos élèves pour avoir une « sensation » sur la pratique: faites les choisir un partenaire qui est plus grand qu’eux — le plus lourd et le plus fort possible pour le mieux — et dites à l’élève qu’il/elle va être saisie en ceinture arrière (prise de l’ours) au compte de trois [mais dites discrêtement au grand partenaire d’attraper son « petit » partenaire  par les cheveux (ou tout autre saisie déroutante par rapport à celle d’origine) au compte de un lorsqu’il n’est pas prêt et de le malmener en le secouant vraiment tout en l’amenant au sol. C’est ce qui permet d’ouvrir des portes pour commencer le processus.

(SB) Les UFC sont maintenant des succès mondiaux. Quels sont vos sentiments à ce sujet et à propos de la façon dont ils promeuvent les arts martiaux? Positifs ou négatifs et pourquoi?

(PM) Personnellement, J’aime les UFC, et j’aime aussi le JJB (Jiu Jitsu Brésilien) et le MMA (Mixed Martial Arts). Ils apportent du réalisme dans leurs pratiques du combat — ce qui est quelque chose qui manque au karate. J’ai fait partie de la première génération de combattant par soumission étrangers au Japon et j’en suis venu à comprendre et apprécier, les valeurs dans cette perspective. Ce que Bruce Lee, le Ninjutsu et le Kick-Boxing ont fait pour les arts martiaux dans les années 1970 et 1980, c’est ce que font les UFC actuellement. Je ne pense pas qu’il y ait un réel danger à ce que les deux (UFC et Arts Martiaux) se croisent l’un et l’autre mais je suis certain que cela peut être une leçon à apprendre pour ceux qui peuvent penser hors du cadre.
 
(SB) Je sais que cela peut être une question difficile à cause de votre passé martial très diversifié, mais quel est votre kata préféré et pourquoi?

(PM) Ce n’est pas une question si difficile, puisque je n’ai pas actuellement de kata préféré. On m’a toujours enseigné à ne pas se spécialiser ou favoriser une technique ou un kata pour un/une autre. Pour votre information, j’aime, toutefois, vraiment beaucoup Nepai [précurseur de Nipaipo], l’interprétation de Kusanku [précurseur de Kankudai] par Yara, et le Niseishi de Aragaki [précurseur de Nijushiho] principalement à cause des modèles de signature et les façons abstraites dont chaque pioneer a chorégraphié sa routine.

Toutes mes études autour des kata m’ont conduit à croire que ces capsules à voyager dans le temps n’ont pas été développés à l’origine pour enseigner la self-défense mais plutôt pour aboutir à des leçons déjà communiquées. Allez voir s’il vous plait ma théorie HAPV [Habitual Acts of Physical Violence: Actes Habituels de Violence Physique] et les mécanismes de drill à deux partenaires ici: http://www.koryu-uchinadi.org/KU_HAPV.pdf. Bien sûr, ça ne veut pas dire que les kata en tant que pratique solo [avec ou sans compréhension des applications théoriques] n’est pas sans valeur: je suis sûr que tout le monde est conscient des immenses bénéfices physiques, holistiques et introspectifs de la pratique des katas seuls. En introduisant des prémisses contextuelles associées avec les thèmes de défense prévus individuellement [c’est à dire les formes individuelles qui composent un kata] les élèves sont amenés immédiatement au contact avec la brutalité de chaque acte physique de violence [dans un environnement contrôlé d’apprentissage] dans le but d’en analyser sa dynamique et d’en comprendre les processus d’application, ainsi que ses variables. Ces prémisses permettent aux pratiquants de s’affronter l’un et l’autre avec des degrés divers de résistance [passif à agressif] tout en recréant chaque acte identifiable de violence et en remettant en vigueur les applications pratiques prévues. En visant la fonctionnalité combative, le résultat final témoigne que l’élève devient capable de chorégraphier les dits modèles [mnémoniques] dans des échanges merveilleusement dynamiques cumulant à la fois les leçons de combat déjà apprises mais également les exercices seuls de formation exprimant une prouesse physique et une créativité abstraite.

Si je dois jamais favoriser quelque chose, alors ça doit être ça.

(SB) De nombreuses authorités dirigeantes ont noté que le shôtôkan n’est souvent pas un système de combat complet puisqu’il n’y a pas beaucoup de monde qui place une attention adéquate sur les clefs, les projections et le grappling. Alors qu’en s’entrainant avec vous, toutefois, vous illustrez explicitement que les katas sont remplis de ces ingrédients. Pensez vous que les kata de shôtôkan possèdent tous les ingrédients demandés pour un système de combat complètement fonctionnel pour les gens qui seraient désireux d’aller regarder suffisament profondément?

(PM) Oh, absolument je le pense — le shotokan est une méthode dynamique d’entrainement avec une abondance de possibilités. Comme mentionné plus tôt, les prémisses contextuelles sont tout et je crois sincèrement que dans le but d’atteindre ce type de fonctionnalité dont nous sommes entrain de parler, un changement d’état d’esprit est obligatoire.
 
(SB) Revenons à l’application des clefs. Lorsque nous nous sommes entrainés avec vous, vous avez parlé de l’utilisation d’un pivot, nous expliquant qu’il y avait trois sortes de façon de l’utiliser. Pouvez vous expliquer aux lecteurs ce que vous voulez dire par pivot et les trois méthodes d’appliquer une clef?
 
(PM) Je décrivais en fait les 3 catégories de bras de levier (classe 1, 2 et 3) et pourquoi comprendre les mécanismes sur lesquels ils sont basés est important dans le procédé d’enchevêtrement des membres.

Le point sur lequel une barre droite pivote est appelé point d’appui ou pivot. Un  pivot peut être déplacé selon le poids de l’objet qui doit être soulevé ou la force qu’on souhaite lui éxercer. Si on pense en terme mécanique, n’est-il pas nettement plus simple de soulever un objet lourd en plaçant la bar et le point d’appui en dessous? Abaisser verticalement une extrémité de la barre aura pour résultat un mouvement vertical vers le haut à l’autre bout de la barre. En plaçant une extrémité de la barre sous un objet, et en faisant un pivot sous la barre proche de l’objet permet de soulever l’objet sans effort lorsqu’on pousse l’autre extrémité de la barre vers le bas. C’est parce qu’un bras de levier de classe 1 a été créé. En aidant à définir les avantages et les principes mécaniques des leviers, le mathématicien grec du 3ème siècle avant Jésus-Christ, Archimède, nous a dit que les efforts multipliés par la distance au point d’appui est égal à la résistance soulevée, multipliée par sa distance au point d’appui, et la résistance divisé par l’effort.

Un levier de classe un est établit lorsque le pivot est localisé entre la force appliqué et la force de résistance. Un levier de classe deux est établit lorsque la force de résistance est située entre la force appliquée et pivot. Et un bras de levier de classe trois est établit lorsque la force appliquée est située entre le pivot et la force de résistance à l’opposé d’un levier de classe un. Un exemple familier de levier de classe deux est une brouette chargée. Le poid de la charge représente la force de résistance et la portée verticale vers le haut sur les poignées est la force appliquée. Parce que dans cet arrangement la force est toujours plus loin du pivot que la résistance, une petite force peut aisément porter un poids important.

Comme déjà mentionné, les leviers de classe trois sont fait avec le point d’appui et la force de résistance au bout et à l’opposé l’un de l’autre avec la force appliquée étant entre les deux. Le problème avec les leviers de classe trois est qu’ils n’ont pas toujours un avantage mécanique, mais ils permettent toujours de gagner en vitesse à la place de la force. La force appliquée est toujours plus grande que la force de résistance, mais la force de résistance se déplace plus loin que la force de l’effort. Imaginez pelleter un chargement de cailloux d’un tas sur le sol pour remplir un trou. La force de résistance est localisée au bout de la pelle. La force appliquée est exercée entre la force de résistance et le pivot. L’effort utilisé est plus important que la charge, mais la charge est déplacée à une plus grande distance. En d’autres termes, l’effort est sacrifié pour un gain de distance. C’est une façon idéal de bouger un adversaire si et lorsque vous avez ses mains prises au pièges contre votre corps et que vous appliquez une force sur leur coude. Et c’est là que résident les valeurs des leviers de classe trois.

Dans les applications pour chaque manipulation d’articulation, de projections, d’étranglement, etc. un support ou un point d’appui va être nécessaire pour rendre ces techniques efficaces; ainsi, il est important de garder en tête où se trouve le poids du corps et si vous saisissez un vêtement, une main, un poignet et/ou un bras pour faciliter le transfert d’énergie.

(SB) Aussi durant notre session avec vous, vous avez peu parlé des points de pression, qui sont bien sûr traité dans le Bubishi. Quelle est l’importance de l’entrainement avec les points de pression dans votre approche des arts martiaux?

(PM) Comme je suppose on peut discuter sur le fait que le corps humain entier est une cible valable pour un impact percutant valable et des techniques de saisies du karate, toutefois, il y a juste quelques zones qui sont simplement plus susceptible à la douleur que d’autres. La connaissance de la compréhension de l’endroit où se trouve ces zones anatomiquement vulnérables, comment et dans quelles circonstances elles doivent être attaquées, peut aider n’importe quel élève à être mieux équiper pour répondre aux HAPV (Actes Habituels de Violence Physique).

(SB) Y a-t-il beaucoup d’exemples de ciblage des points de pression dans les kata de shôtôkan? Si c’est le cas, pouvez vous nous en donner quelques uns et nous expliquer leurs conséquences?

(PM) Je vais même faire mieux que ça… laissez moi vous recommander à vous et vos lecteurs une explication personnelle de Funakoshi: Il y a une nouvelle traduction japonais-anglais du « Karatedo Kyohan » de Funakoshi par Neptune Publications, qui si vous ne l’avez pas encore acheté, vous devez vous procurer. Je suis persuadé que ceux qui suivent la mode actuelle des points de pression seront plus qu’agréablement surpris par la perspicacité prénétrante de Funakoshi (pages 232 à 245), qui très certainement anti-date tout ce qui a pu être écrit précédemment sur le sujet, spécialement par des sources contemporaines. Ainsi voir le contenu des lettres de soutien par des dignitaires comme le Général Oka Chikamatsu, le Colonel Tagashira Tomokazu, Monsieur Higaonna Kanjun, Docteur Hayashi Ryosau, Professeur Yoshikawa Hideo et Monsieur Sueyoshi de l’Okinawa Times, aide à apporter une nouvelle compréhension sur l’importance à la fois des contributions de Funakoshi et sa position dans la société japonaise. Comme vous pouvez imaginer, j’étais vraiment ravi de la section relative au Bubishi (pages 259 à 262) simplement parce que la clareté de la traduction apporte une toute nouvelle perspective, et pas seulement au shotokan, mais aussi sur ses relations et son importance avec nos traditions en général.

Comme j’ai pu faire mon chemin à travers cette traduction très simple à lire, je n’ai pu m’empêcher de sentir que j’étais comme une partie de Funakoshi lui-même quand il présentait une pratique okinawaienne très peu connu face à un public japonais. En dépit d’une ère qu’on appelle maintenant les « années folles », c’est vraiment incroyable de réaliser seulement maintenant à quel point Gichin Funakoshi a dû paraitre révolutionnaire par rapport à la position terriblement conservative du Japon durant cette période de l’histoire moderne. Sa publication a aidé à nourrir la direction évolutive du karate de ses humbles débuts à la provinciale Okinawa jusque dans le courant traditionnel de la société japonaise en établissant une synergie entre la préoccupation nationale d’harmonie coeur-corps-esprit et la pratique journalière du karate. Non, ça ne peut pas être plus évident que dans les mots écrits du maitre tels que co-publiés par le traducteur Harumi Suzuki-Johnston et l’éditeur, Paul Argentieri. Ayant apprécié la douleur et le plaisir, les années durant,  de travailler sur ma  part équitable de la traduction japonais à anglais, avec mon épouse Yuriko, Je ne sais que trop bien quel effort collectif c’est de rapporter un travail de cette qualité à la lumière. Je rend hommage à leur effort commun et collaboratif comme il capture plus que le message intentionnel de Funakoshi — il révèle aussi sa personnalité. Je me rappelle durant la traduction du Bubishi à quel point nous nous sommes cassé la tête sur des idéogrammes antiques qui ne sont plus utilisés dans l’écriture moderne et nous avions besoin d’appeler l’assistance des experts en langue chinoise dans le Fujian pour qu’ils nous aident. Ainsi, je n’ai pas été surpris d’apprendre que Neptune ait eu besoin de suivre un chemin similaire pour s’assurer de la traduction la plus compréhensible possible. C’est une raison supplémentaire pour laquelle cet ouvrage tient dans une catégorie à part entière. Au lieu de vous emmener vers une description chapitre par chapitre de cette nouvelle et exaltante publication, je vous recommande simplement de visite le site internet de Neptune ici: http://www.neptune-publications.com.

(SB) Emma vient juste de finir sa formation d’enseignant pour être professeur au lycée, et lorsque vous avez mentionné durant votre entrainement que vous étiez maitre de conférence à l’université elle n’a pas été surprise du tout, comme vous avez de formidables talents pédagogiques. Dans vos cours vous essayez clairement de faire, de facilitez et de créez un environnement ouvert. En tant qu’enseignant, que croyez vous qui soit la clef pour créer un environnement favorable au développement?

(PM) Merci pour partager les pensées sympathique d’Emma, j’apprécie beaucoup. Lorsqu’on en vient à l’appropriation de nouvelles informations [à propos de ce que j’étais entrain d’expliquer sur le procédé de gagner des fonctionnalités avec l’imprévisibilité de la brutalité physique] je suis sûr qu’établir une atmosphère reposante est une des façons les plus brillantes de créer un environnement favorable aux enseignements nécessitant de la mémorisation et de l’apprentissage. Puisque nous sommes tous plus fort dans certains domaines que d’autres, je me donne beaucoup de mal pour stimuler le visuel, l’auditif et le kinesthésique dans mes illustrations et je m’assure absolument que tout le monde est conscient [dès le début] que je n’encourage pas seulement les questions, je demande aussi si mes réponses sont mises en doute, précisément si et quand je dis quelque chose qui soit ne fait pas de sens à celui qui écoute, soit ne colle pas avec ce qu’ils savent être vrai. Aussi, j’ai tendance à enseigner à travers des associations; c’est à dire enseigner des techniques et des mécanismes qui marchent en conjonction les unes avec les autres [opposé d’atteindre quelque chose qui n’est pas lié]. Finalement, J’ai aussi tendance à m’appuyer lourdement sur les ancres NLP (Programme Neuro Linguistic ou Processus du Langage Naturel).
 
(SB) A un certain moment en cours, un jeune garçon s’est blessé, et vous avez encouragé tout le monde à ne pas l’encourager, nous expliquant que c’était une des leçons de la vie qu’il allait apprendre. Pensez vous que l’entrainement aux arts martiaux développe l’esprit humain autant que le corps humain? Et comment vous ont-t-ils développé?

(PM) Autant que je me souvienne son jeune frère a accidentellement frappé le garçon alors qu’il travaillait sur des techniques au sol, la blessure était superficielle [C’était en fait comme une bosse à la tête] et il n’était absolument pas en danger. Ses pleurs prolongés était, à mon avis, un appel à de l’attention et pas nécessaire, mais a apporté une grande opportunité pour communiquer une importante « leçon de la vie ». Si le garçon avait été frappé de la même façon [rappelez-vous le coup donné par accident a été porté alors qu’il roulait au sol et l’a probablement choqué bien plus que tout] dans la cours de l’école et qu’il choisisse de pleurer plutôt que de se défendre, il pourrait alors s’ouvrir à des torts bien plus sérieux. La leçon était simple, il y a toujours la possibilité de se blesser dans nos traditions et parfois vous devez juste accepter la douleur et continuer à à faire en gardant votre esprit intacte — à moins que ça soit quelque chose qui nécessite une attention médicale immédiate.

Enseignés responsablement, les arts martiaux jouent un rôle important dans le développement de l’esprit humain. En fait, en tant qu’art, Je crois que le Karate apporte plus d’opportunité de développer son humanité qu’il le fait pour perfectionner son caractère.
 
l’apprentissage officiel peut vous enseigner un grand nombre de talent, mais ceux qui sont essentiels à la vie, sont ceux qui vous développerez par vous même.
 
(SB) Puis-je seulement vous dire quel privilège cela a été de vous interviewer et nous vous souhaitons beaucoup de succès pour le futur.

(PM) Merci pour vos pensées d’encouragements et pour être aussi polit et respectueux — c’est vraiment agréable et rafraichissant surtout durant une époque où la modestie et les bonne manières sont rare dans nos traditions.


Shaun Banfield (auteur de l’interview), Patrick McCarthy, Emma Robbins

Merci à Shaun Banfield (http://www.theshotokanway.com/) pour avoir fait cette interview et accepté que je la traduise en français pour la publier sur les sites et forums francophones.
Merci à Patrick Mc Carthy (http://www.koryu-uchinadi.com/) d’avoir accepté de répondre à l’interview et d’avoir accepté que la traduction française soit publiée sur le net francophone.

Une traduction de Jack Huser (alias gojira)

Note du traducteur: Patrick McCarthy est la personne qui pour moi représente vraiment ce qu’est le karate.
On peut le voir sur ses vidéos, notamment sur le travail du Tegumi. Son libre « Bubishi, the bible of karate » est incroyablement précis et vraiment très intéressant. Et mis à part le travail de Lionel Lebigot, il n’y a pas de publication francophone qui arrive à ce niveau de qualité. Patrick McCarthy est vraiment un grand grand monsieur pour qui j’ai beaucoup de respect et dont j’admire le travail.Et pour fêter mon anniversaire (c’est aujourd’hui à cet instant), je vous apporte la traduction de cet interview mené avec soin et intelligence qui englobe toutes les questions qu’on aurait envie de poser à ce chercheur, enseignant et pratiquant d’exception.

Encore un grand merci à Messieurs Shaun Banfield et Patrick McCarthy pour leurs travaux et pour cette interview.

L’interview au format pdf >ici<.

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