Nov 012013
 

J’aimerais vous livrer quelques réflexions personnelles sur une situation qui m’est arrivée il n’y a pas très longtemps.

Qui n’a pas eu des amis non pratiquant faire des mimiques de Bruce-Lee en raillant votre pratique parlant de votre « koune fou », vos chinoiseries, vos japoniaiseries, mimant des attaques pour voir votre réaction, disant « qu’est-ce que tu fais si…. ». Si cela reste amical et innofensif à première vue, cela peut être fâcheux dans certaines situations. Quand un non pratiquant joue avec les arts-martiaux face un ami pratiquant, il a souvent une trop haute opinion de la pratique et du pratiquant et a par conséquent une trop grande confiance en ses capacités. Confiance surévaluée, souvent encouragée par notre attitude manquant parfois de l’humilité pour se taire et rester dans l’ombre.

Je vais tenter de raconter la soirée sans relater les faits qui pourraient donner lieu à de l’analyse socio-politique. Si je voulais faire dans les sujets de sociétés chers aux politiciens et aux torchons qui se veulent être des quotidiens d’informations et se vendent à des millions d’exemplaires (avec les noms tels que l’express, le point, le monde, le figaro) je parlerais de discrimination raciale, de la violence de ceux qui prônent la paix de leur religion mais qui s’expriment avec une telle vulgarité et une telle violence qu’on a du mal à croire en la paix apporté par ces croyances, je parlerais des rapports inamicaux entre certains groupes ethniques, etc. Mais mon blog, n’a pas pour but de discuter de cela. Donc je n’en parlerai pas. Mais l’origine de l’histoire est bien un problème de société qui touche religion, discrimination ethnique et sexisme (je serais une nana, j’aurais  un taser et je n’hésiterais pas à taser l’entrejambe des résidus de fond de poubelle qui se permettraient quelques commentaires désobligeant vu que l’état autorise la gente masculine à mal se comporter avec la gente féminine).

Lors d’une soirée avec des collègues suffisamment proches pour les appeler amis, je suis allé dans un restaurant du centre d’une grande ville du sud. On croise deux individus au comportement suspect et visiblement dans un état anormal. Arrivé à notre hauteur, l’un lâche un commentaire désobligeant sur la physionomie d’une des filles. L’autre collègue ayant pour point commun avec l’individu en question une langue, n’a pas hésité à prendre, avec une violence presque choquante, la défense de son amie en des termes fleuris que je n’ai pas compris. Visiblement le type,lui, les a très bien compris, puisqu’il ne lui a fallu que deux secondes pour revenir sur ses pas en courant. S’en est suivi un échange d’invective la tension montant et le ton devenant de plus en plus sec. De plus l’attitude violente de la personne commençait à se manifester tout d’abord verbalement.

Lorsque l’on pratique des arts martiaux de loisir, ou que l’on n’a jamais été confronté à de la violence urbaine il y a des choses qu’on ne voit pas. Notamment l’espace. Au même moment nous avions croisé un sans domicile fixe qui se rapprochait la canette à la main, sans compter l’ami qui se trouvait plus haut et revenait lui aussi sur ses pas et des personnes dans des rues adjacentes (d’où venaient certainement les deux gaillards à la base) qui se rapprochaient. Il arrive souvent que le statut d’invincibilité des accompagnants puisse donner de l’arrogance: « je suis avec des mecs qui me défendront s’il arrive quelque chose, je peux me permettre de ne pas la fermer ». A ce moment là, on se place stratégiquement, et on attend, en se demandant, quand est-ce que ça va partir, et quand va-t-il falloir y aller? Lorsque l’on est seul, ce n’est pas un soucis, mais lorsque l’on est plusieurs, et que la source des embrouilles et un accompagnant, c’est beaucoup plus difficile à gérer.

Souvent en self-défense, on explique que la protection personnelle commence en amont, avant: changer de trottoir, éviter d’être au mauvais endroit, faire désescalader la violence, etc. Sauf qu’à plusieurs, c’est un peu différent. la protection personnelle n’est plus personnelle. Et lorsque parmi les membres de l’équipe se trouve un agitateur qui jette de l’huile sur le feu, c’est plus chaud.

Malheureusement lorsqu’on s’oriente vers la protection personnelle, il faut être prêt, on en arrive à développer une forme de paranoïa qui est constante. Il faut éviter de consommer de l’alcool, d’être fatigué afin d’avoir 100% de ses sens. Comme lorsque l’on conduit en moto, on doit chercher le pire, chercher l’erreur chez les autres, s’attendre à ce que les autres usagers se comportent mal et l’anticiper. Lorsque l’on sort dans la jungle urbaine, on se doit de détecter les prédateurs, de se placer dans des endroits stratégique, d’être prêt.
Ce type d’attitude est fatiguant à la longue, et la vigilance a toujours tendance à se relâcher en fin de soirée s’additionnant avec la fatigue doublée par une perception accrue du danger. Du coup lorsqu’on se retrouve en compagnie d’éléments provocateurs de catastrophe, la défense personnelle devient vite hors norme en comparaison de la pratique au dojo.

Je me rappellerai toujours ce que je me suis demandé en me plaçant de façon à pouvoir contrôler l’agresseur: est-ce que je tape maintenant? Il n’avait pas encore fait preuve de violence physique mais était en position dominée. Livrant ses rotules aux low-kick, sa machoire au shôtei, sa tempe au shôken, sa gorge au boshiken et à une distance de Uechi-ryû. Il était seule, non armé, donc clairement pas une situation de légitime défense. Mais qu’est-ce que ça aurait fait du bien de lui défoncer la tronche, qu’il paye pour son comportement, et pour tous les autres animaux qui gangrènent ce pays.
Est-ce que je tape maintenant? Ce qui déclenchera notre fuite à tous et retardera l’attaque de ses potes encore loin. Ou est-ce que je tape plus tard en situation de légitime défense, et ça risque de craindre pour la suite ses amis se rapprochant.
La tentation de corriger ce type d’animal a été dure à vaincre, et la frustration de penser qu’il va continuer a été pas simple à évacuer…

Que faut-il retenir?

– A trop parler de notre passion, ça passe pour de la vantardise et au final, les amis ont une compréhension erronée de la pratique, parfois la confiance qu’ils ont en notre pratique peut amener à des problèmes. Mieux vaut se taire sur ce que l’on pratique et en parler qu’avec les gens du milieu.
– La self-défense, les arts martiaux, ce NE SONT PAS que des techniques. C’est un état d’esprit, à avoir au dojo et en dehors du dojo.
– Si la pratique de dojo peut donner 1% de chance supplémentaire de s’en sortir, ça n’est qu’un petit pourcentage. Et personnellement, que ce soit du Krav Maga, du judo jujitsu, du karate défense et autre pratique de self-défense au dojo, je n’y crois pas un seul instant. Seul une pratique incluant un changement d’état d’esprit pour passer à l’acte, la vigilance, la recherche des problèmes pour les éviter, l’adaptabilité (une technique pour 10.000 situations plutôt que 10.000 techniques pour une situation) peut donner de réelles chances.
– Quand ça craint, il faut fuire, on dit bien « vaut mieux fermer sa gueule et passer pour un con que l’ouvrir et ne laisser plus aucun doute à ce sujet », en l’occurrence, vaut mieux passer pour un faible et rester en vie, qu’avoir été un warrior et n’être qu’un cadavre ou pire un handicapé.
– La vigilance ça se travaille,c’est fatiguant. On ne vit pas dans un endroit comme le Japon, relativement sécurisé, ou une ville comme Münich. Quand on sort le soir, qu’on est à pied, dans des coins pratiqués par les prédateurs urbains, il faut être en alerte à 100%, éviter d’être fatigué, de boire, comme si on allait prendre le volant.
– Quand on doit sortir avec un provocateur, si on ne peut pas le maitriser on ne sort pas avec.
– la protection personnelle avec beaucoup de travail, peut très bien marcher quand on est seul ou à deux pour défendre quelqu’un, quand il y a plus de monde, et qu’il faut se soucier du bien être de tous, ça implique beaucoup trop de paramètres.
– Toujours se rappeler que l’on est dans un pays de lois, où l’agresseur est également protégé (trop à mon goût).

En parlant de légitime défense j’ai lu récemment un texte intéressant: http://www.initiadroit.com/doc.php?theme=16

Personnellement j’aimerais y croire.

Lorsque je lis ça: « Par exemple : une personne tente de voler le scooter (le vol est un délit). Pour protéger son bien, le propriétaire du scooter le fait tomber et le frappe pour l’immobiliser. La légitime défense pourra le protéger. » en regard des textes de loi, c’est bien le cas… en pratique je l’ai rarement vu appliqué et le possesseur du dit scooter a été condamné à payer des dommages et intérêts au voleur devenu victime.

  One Response to “Arts Martiaux, Amis et Protection Personnelle”

Comments (1)
  1. Bonjour Jack,

    Excellent article. Et c’est pire quand tu travaille en milieu féminin, abreuvées qu’elles sont dès le plus jeune âge par des clichés et autres assignations de genre.
    Je ne me prive pas de rappeler à tout bout de champ que je suis lâche et que, si ça tourne mal, il ne faudrait pas compter sur moi.

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