Une saison de grande festivité au Japon approche rapidement. Comme l’hiver s’en va petit à petit pour les jours plus chauds du printemps, et le départ de la morosité des jours plus court de même que les manteaux épais et la grippe, le japon se transforme doucement et fugitivement en une mer lumineuse et envolée de fleurs de cerisiers.
une fois par an, les fleurs de cerisiers japonais offrent un changement rafraichissant à la routine quotidienne d’aller au travail dans des moyens de transports surpeuplés et de diner après le travail dans des izakayas enfumés (sorte de pub japonais). Des fenêtres des trains, des bureaux et des maisons des masses de fleurs rose peuvent être admirée des premiers jours de floraison jusqu’au bientrop court mankai (floraison complète) suivi d’une temps légèrement mélancolique où les arbres perdent leurs fleurs dans une rafale de pétales, précipitées par les puissants vents d’été.
Les poètes de l’ère Heian avaient l’habitude d’écrire des poèmes sur à quel point les choses seraient plus faciles au printemps sans ces fleurs de cerisiers. Leur existence sert à nous rappeler le caractère ephémère de nos propres vies, et ce symbolisme n’est pas perdu par les japonais des temps moderne, qui ont leur propre façon particulière d’apprécier la brêve saison de floraison des fleurs de cerisiers. Le ohanami.
Le hanami ( 花見 ; littéralement, « regarder les fleurs ») est la coutume traditionnelle japonaise d’apprécier la beauté des fleurs, principalement les fleurs de cerisier (sakura). À partir de fin mars ou début avril, les sakura (桜) entrent en pleine floraison partout dans le Japon. De nos jours, le hanami se résume souvent à profiter de cette saison pour pique-niquer, discuter, chanter sous les cerisiers en fleur. Cette coutume est au printemps ce que momijigari (紅葉狩り) est à l’automne.
Au Japon, il existe aussi une forme de hanami concernant les abricotiers (japonais, ume), précédent celui des cerisiers du Japon. Si les cerisiers du Japon sont plus populaires pour les hanami, particulièrement chez les jeunes (il s’agit d’un prétexte pour boire de l’alcool entre amis). Les personnes plus âgées préfèrent l’atmosphère des hanami de l’ume.
Bien que Ohanami signifie « regarder les fleurs » il conjure une image de marche le long des avenues bordées de cerisiers, la réalité est bien plus surprenant pour les non initiés.
Histoire
La pratique du hanami est vieille de plusieurs siècles. Originellement O-Hanami était, à l’ère Heianpériode Nara (710-784) à l’époque où la dynastie chinoise Tang a fortement influencé le Japon, entre autre en apportant la coutume d’apprécier les fleurs. Cependant, c’était les fleurs d’ume ( (794-1185), un passe-temps réservé à l’aristocratie: les cerisiers en fleurs inspiraient les poètes. Puis ce loisir fut importé de Chine durant la 梅, prune) que les gens admiraient à cette époque, et ce n’est que durant la période Heian que les sakura ont commencé à attirer plus d’attention. Depuis cette époque, dans le tanka (短歌) et le haïku (俳句), le mot fleur est très fortement lié au sakura.
O-Hanami devint une fête populaire pendant l’ère Edo Genroku (1688-1704) et est depuis une tradition nationale observée chaque année par une très grande majorité de Japonais.
Les sakura étaient à l’origine employés comme annonciateur de la saison de plantation du riz. Les gens croyant à l’existence de dieux à l’intérieur des arbres faisaient des offres aux pieds des sakura. Ensuite, ils participaient à l’offrande en buvant du saké ( 酒).
L’empereur Saga ( 嵯峨天皇), qui a donné son nom à la région de Sagano, et qui vécut à la période Heian, a adapté cette coutume et en a fait des fêtes de « contemplation des fleurs » avec du saké et des mets, sous les branches des cerisiers en fleur dans la cour impériale à Kyōto. Des poésies étaient écrites, louant les fleurs sensibles, qui étaient vues comme une métaphore de la vie elle-même, lumineuse et belle, mais passagère et éphémère. Ceci serait le début de la coutume des hanami.
La coutume a été à l’origine limitée à l’élite de la cour impériale, mais s’est rapidement répandue à la société des samouraïs et à partir de la période Edo aux gens du peuple. Sous les arbres de sakura, ils prenaient un repas et buvaient le saké dans l’allégresse.
Les Japonais appellent ceci, non pas « Hana-mi » mais « O-Hana-mi », rajoutant devant un « O » de politesse très présent dans la langue japonaise.
A l’époque d’Edo, Hanami était une rare occasion pour les gens du peuple de se rassembler et de parler librement entre eux,échappant momentanément aux strictes conventions sociales imposées par le pouvoir shôgunal.
Dans les régions agricoles, la floraison des cerisiers permettait de prédire la qualité des récoltes à venir et la fête Hanami avait une dimension religieuse.
Les paysans invoquaient alors, suivant un rituel shintô, Saori, le dieu des champs, afin de s’assurer sa bienveillance pour une bonne récolte de riz. Et en automne, après les moissons, selon la croyance paysanne de l’époque, le dieu Saori quittait le monde des Hommes pour regagner la montagne, son domaine, où il redevenait Sanobori, le dieu de la montagne.
De fait, de nos jours, la célébration des cerisiers en fleurs constitue, chaque année, une occasion exceptionnelle pour les Japonais des grandes villes d’échapper un instant à l’oppressant conformisme social.
Cette fête marque aussi dans tout le Japon le début de l’année fiscale, scolaire et universitaire.
De nos jours
De nos jours, la coutume existe toujours. Durant la période de floraison des cerisiers, les Japonais partent pique-niquer en famille ou entre amis sous ces arbres. Les moments les plus appréciés sont l’apparition des premières fleurs (開花, kaika) que guettent les photographes et la période de pic de floraison (満開, mankai).
La pleine floraison, appelée 満開 mankai, ne dure ainsi que quelques jours. Au cours de celle-ci, certains lieux les plus courus des touristes proposent 夜桜 yozakura (ou light-up) : un éclairage des arbres le soir dès la nuit tombée pour les apprécier sous un angle nouveau.
Lorsque les pétales commencent à se détacher des branches de cerisiers, cela crée une impression de « tempête de neige », c’est pourquoi l’on parle de 花吹雪 hanafubuki ou de 桜吹雪 sakurafubuki.
Une fois la floraison terminée, les intempéries ayant balayé les fleurs, les cerisiers laissent éclater le vert puissant de leurs feuilles ; on les appelle alors 葉桜 hazakura (« cerisieurs en feuilles »).
En octobre 2018, un phénomène rare a eu lieu : la floraison de 350 cerisiers hors saison dans tout le Japon, liée au réchauffement climatique et aux forts typhon ayant balayé le Japon cette fin d’été.
Durant les émissions de météo à la télévision, la progression de l’éclosion est représentée. Cette ligne de front ( 桜前線, sakurazensen) permet de connaître le moment où les cerisiers éclosent. Elle part de Okinawa (au sud) et remonte jusqu’à Hokkaido en l’espace d’un mois.
À Kyôto, dans la région de Sagano, nommée en l’honneur de l’empereur fondateur de la tradition, on peut voir plusieurs centaines de sakura à Arashiyama et plusieurs milliers de Japonais s’adonnant aux hanami.
Ohanami est une grande excuse pour faire la fête. Des groupes de travailleurs (connu aussi sous le nom de salarymen) ou d’amis se rassemblent aux premières heures de la soirée après le travail ou durant le week-end sur de larges bâches bleues sous des bosquets de cerisiers et boivent des quantités incroyable de bière et de sake japonais.
Des aliments de saison variés sont aussi consommés, incluant les dango, des petites boules de riz trempées dans de la sauce en brochette. Lorsque l’atmosphère est relâchée et que la fête bat son plein, il y a parfois l’opportunité de se lacher un peu et de chanter sur des machines karaoke portables. Le bruit exubérant des groupes de fêtards avoisinants chantants des chansons différentes, saoûlé par l’alcool, avec pour seul thème d’apprécier les fleurs au-dessus font de cette expérience quelque chose d’inoubliable.
Des employés aux collégiens, tout le monde s’adonne aux 花見 (Hanami). Il s’agit principalement de pique-niquer sous les cerisiers en fleurs. Certains endroits réputés nécessitent de réserver sa place à l’avance : 場所取り (BaShoTori). Dans le cas des 花見 (HanaMi) de sociétés, il s’agit d’une tâche qui incombe aux nouvelles recrues. Ah, qu’il est dommage que la floraison soit si éphémère. Vivement le printemps prochain !
Il est d’usage au Japon de ne plus observer les rigides conventions sociales lorsque l’on boit en groupe. Par exemple, il est exceptionnellement permis de s’adresser à un supérieur en omettant son titre hiérarchique.
Dans les rues et les couloirs du métro de Tôkyô, c’est un spectacle saisissant de voir des milliers de Japonais s’abandonner à leur ivresse alcoolique!
Chaque année, dans la seule ville de Tôkyô, une cinquantaine de personnes meurent pendant les quelques jours d’O-Hanami, le plus souvent sous l’effet d’une absorption excessive d’alcool.
Les lieux les plus prisés pour célébrer le retour du printemps sont:
– le parc du château d’Hirosaki, dans le département d’Aomori,
– le parc d’Ueno à Tôkyô,
– le parc du château d’Osaka,
– la colline d’Arashiyama à Kyôto,
– le parc d’Yoshinoyama à Nara, entre autres.
A Tôkyô, lorsque les cerisiers sont complétement en fleurs, le parc d’Ueno accueille quotidiennement, sous ses 1100 cerisiers, plus de 200000 joyeux fêtards!
Dans la capitale les meilleurs emplacements sous les cerisiers sont réservés par les entreprises pour leurs employés. Dans chaque entreprise, quelques employés (les nouveaux venus, en général…) sont désignés pour aller réserver très tôt le matin un bon emplacement pour l’ensemble de leurs collègues qui viendront faire la fête en début de soirée.
La variété de cerisier favorite des Japonais est Somei Yoshino dont les fleurs sont composées de cinq pétales.
Les fleurs épanouïes de cette variété de cerisier se fanent et se détachent de l’arbre au bout de trois ou quatre jours seulement; un symbole fort de la fragilité ; et de la brièveté de la vie humaine…
sources:
- – http://en.wikipedia.org/wiki/Hanami
- – www.commecadujapon.com
- – https://www.jnto.go.jp/sakura/eng/index.php
Le morceau « sakura sakura » joué par le groupe de jpop Rin’ qui utilise des instruments traditionnels comme le biwa, le koto, le shakuhachi et le shamisen: http://www.youtube.com/watch?v=xPH_HTVwOoQ